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L'ART ET LA CULTURE POUR TOUS
11 janvier 2011

Abderrahmane Zenati: LE RETOUR DU BIGAME

LE RETOUR DU BIGAME

"Extrait"

 

J’ai hésité  longtemps avant d'entrer dans une cabine téléphonique. Finalement, je m’étais décidé. J’ai décroché le combiné et glissé quelques pièces de monnaie dans l'appareil...

J’ai hésité encore un instant, puis j’ai composé le numéro  d’Aziza, ma première épouse.

A l'autre bout du fil, la sonnette, se mit à tinter.

– Pourvu que je trouve quelqu'un, me dis-je.

De la vitre de la cabine, j’observai un autobus d'un autre âge, bourré de gens. Le véhicule avançait, péniblement dans un nuage de fumée noire, nauséabonde et un fracas de métal.

Enfin, je sentis que quelqu'un décrochait l’appareil.

– Allô ! ...

Mon visage s'éclaira  lorsque  je reconnus la voix de mon fils aîné.

– Salim ? C'est toi ?

– Oui ! répondit mon fils  d'une voix endormie... Qui est à l'appareil ?

– C'est moi !...  Je suis Dahmane,  ton père !…

A l'autre bout du fil, Salim fit une pause et observa un silence.

– Papa ? C'est toi ?

 Mon cœur s’était mis a battre très fort. J’avais réussi à grimacer un sourire crispé.

– Oui, mon fils, c'est moi ! ... Bonjour !...

Un silence angoissant dura quelques secondes.

– Que veux–tu ?  Interrogea Salim sèchement, puis de nouveau, il garda le silence.

Vaincu par l’émotion, je m’efforçai vainement d’étouffer un sanglot.

 – Je... je suis content de t'avoir au bout du fil, mon fils.

Un nouveau silence s’établit. Salim s'était certainement rappelé les années écoulées où j’étais parti vivre ma vie avec cette Zouzou ... Je présumai qu’il avait d'abord pensé à sa mère et à ses frères qui, par ma faute, moi le père insouciant et indigne, menaient une vie misérable. Maintenant, après des années d'absence, après avoir été ruiné et chassé  par ma seconde épouse, me voilà que je lui téléphonais...

– Cela fait des années que tu n'as pas donner signe de vie, papa...

– Je suis désolé, mon fils. Tu sais ce que c'est. Le travail... les occupations... Je sais que j'aurais dû...

– Je ne sais pas quoi te dire...

– Dis ce que tu as envie de me dire, mon fils ! Dis tout.

– Tu m’as appris à dire toujours la vérité, de ne jamais mentir, n’est ce pas ?

– Oui, c’est bien cela, mon fils...

– Et bien, je vais te dire la vérité.

 La voix de mon fils trahissait une colère mal contenue :

—  Je ne sens plus rien pour toi, papa !… Tu es sorti de notre vie à tous, ici... Nous t’avons tous oublié... Désormais, tu ne fais plus partie de notre existence.

 J’ai eu l’impression d’avoir été poussé dans  l’eau d’un fleuve furieux couvert de glaçons et qui m’entraînait irrésistiblement vers un gouffre. Mes paupières se baissèrent et mes yeux se mouillèrent.

 – Tu me manques, mon très cher fils Salim… Vous me manquez tous...

Un silence qui me parut des siècles.

– Qu'est ce que tu deviens, mon enfant ?

– Cela ne te regarde plus.

— Je t’en pris, mon garçon, soit gentil avec ton père.

— Gentil ?  Est-ce juste ça ?… Tu ravage toute une famille, tu meurtris le cœur de ma mère avec ta bestialité, tu nous abandonne comme des chiens bâtards et tu parts te marier avec une femme qui porte en elle le germe hideux du mal et tu viens me dire maintenant d’être gentil avec toi ?… Tu t’absentes des années sans donner de tes nouvelles et tu viens maintenant me téléphoner ? Tu veux effacer ta faute par une tendresse affectée, inquiète, pitoyable !… Tu crois qu’ainsi l’horreur de ton acte est refoulée dans les ténèbres Du monde ? Malheureux père, va !…. C’est ta propre monstruosité qui parle maintenant par ma bouche…

— Oh, mon fils !… je regrette de vous avoir fait tant de mal… J’ignorais que…

— Et tu te couvres maintenant par l’ignorance….

— Je sais que j’ai agi comme un  inconscient… 

—  Depuis que tu es parti vivre ta vie à Casablanca, moi je ne vais plus à la fac...

– Tu as eu ta licence, au moins ?

– Oui, mais elle ne me sert plus à rien... je ne trouve pas de travail, même avec mes autres diplômes d’informatique...

– Je suis navré, mon fils, vraiment navré...

– Navré ? Et moi donc ? fit-il d’une voix haletante.  Si tu étais là, toi qui connais tant de monde, tu aurais pu m’aider... Tu sais très bien qu’aujourd’hui, dans ce pays, on ne réussi pas sa vie si on n’a pas d’argent ou un parent influent...

– C’est la destinée, mon enfant...

– Oui, c’est cela, tout le monde, en ce moment, se sert de ce mot pour se déculpabiliser... Pourquoi pas toi aussi, toi qui es aussi incroyant qu’un communiste.

– Et que fais–tu, maintenant, Salim ?

– Rien ! ... Ma vie et devenue monotone... invivable... je passe le temps à ne rien faire...

 

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  • Parler de mes émotions face à ce monde perturbé où chaque jour un drame se joue quelque part... D'écrire ma vie à Oujda et à Saïdia où je passe mon temps entre mes pinceaux et ma plume... Parler de ma peinture et de mon écriture teintées de mes états d'âme
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